Des métamatériaux pour contrôler la direction de propagation des fissures
Une chercheuse du Laboratoire de mécanique des solides - LMS (CNRS/Ecole Polytechnique), en collaboration avec une équipe de Caltech (États-Unis), a démontré que la résistance à la rupture d'un matériau microstructuré peut être asymétrique. Elle est alors bien plus élevée dans une direction que dans la direction opposée. Cette propriété permettrait de mieux contrôler les risques de rupture d'un matériau.
La propagation d'une fissure dans une pièce mécanique peut conduire à sa rupture. Pour éviter des conséquences potentiellement dramatiques, une solution consisterait – quand la fissuration est inévitable – à guider sa propagation vers des zones du matériau moins dangereuses pour la sécurité. Il faut donc contrôler la direction de propagation de la fissure, et c'est ce qu'a réussi une chercheuse CNRS du Laboratoire de Mécanique des Solides (LMS, CNRS/École polytechnique), en collaboration avec Caltech (États-Unis). Les résultats sont publiés dans la revue Physical Review Letters.
Les chercheurs et les chercheuses ont montré qu'en introduisant des hétérogénéités dans un matériau, on pouvait le doter de propriétés mécaniques inattendues : sa ténacité effective devient asymétrique. Autrement dit, la résistance à la propagation d'une fissure de la droite vers la gauche sera très différente de celle d'une fissure se propageant de la gauche vers la droite. En exploitant cette propriété, il est donc possible de « canaliser » la fissure dans une direction choisie.
Afin de démontrer l'existence de cette asymétrie, déjà observée pour des propriétés surfaciques mais inédite pour des propriétés volumiques, l'équipe s'est intéressée à un métamatériau contenant des pores de forme triangulaire. Des simulations numériques et des expérimentations sur ce matériau ont mis en évidence une ténacité effective asymétrique. Lorsque le métamatériau est soumis à un effort de traction, une fissure initiée à une extrémité se propage de manière intermittente : elle reste bloquée temporairement à chaque pore rencontrée avant de sauter au pore suivant. Mais la résistance à la propagation de la droite vers la gauche est nettement plus forte que de gauche à droite. Cette asymétrie résulte de l'augmentation de la résistance dans une direction (et non de sa diminution dans l'autre). Les résultats ont été confirmés expérimentalement avec des éprouvettes fabriquées par impression 3D (voir les images).
L'étude a aussi révélé que cet effet de « diode » mécanique (elle ne laisse passer une fissure que dans un sens) dépend de la géométrie de la microstructure et de l'espacement entre les pores réalisées dans le matériau. Si l'espacement est trop faible, la fissure verra un matériau "homogène" et l'effet de diode n'aura pas lieu; lorsque l'on augmente l'espacement, l'effet s'accroît jusqu'à arriver à une saturation. Dans le prolongement de cette étude, la chercheuse du LMS envisage d'étudier le même phénomène dans d'autres types de matériaux, dotés en particulier d’un comportement ductile.
Références :
Fracture Diodes: Directional Asymmetry of Fracture Toughness
N. R. Brodnik, S. Brach, C. M. Long, G. Ravichandran, B. Bourdin, K. T. Faber, and K. Bhattacharya.
Phys. Rev. Lett. 126, 025503 – Published 14 January 2021
DOI: 10.1103/PhysRevLett.126.025503
Contact
Stella Brach, Chargée de recherche au CNRS, Laboratoire de mécanique des solides (LMS, CNRS/École Polytechnique)