Les microtubules naissent à partir d’oligomères droits de tubuline
Les microtubules sont des assemblages dynamiques des cellules eucaryotes remplissant des fonctions vitales, par exemple dans la division cellulaire. La genèse des microtubules est une étape encore mal comprise. Dans une étude publiée dans le Journal of Cell Biology, Benoit Gigant, chercheur CNRS à l'Institut de Biologie Intégrative de la Cellule - I2BC (CNRS/CEA/UPSaclay) et ses collaborateurs japonais ont combiné des approches cinétiques, structurales et d’analyses mathématiques pour montrer que la nucléation est corrélée à la formation d’oligomères rectilignes de tubuline. L’étude suggère que les facteurs cellulaires favorisant la nucléation stabilisent ce type d’oligomères.
Les microtubules sont des filaments du cytosquelette impliqués dans des fonctions majeures telles que la mitose ou le transport intracellulaire. Ce sont des cylindres creux constitués de tubuline, l'une des protéines les plus abondantes de la cellule. La dynamique des microtubules, c’est-à-dire l’alternance de phases d’élongation et de rétrécissement, est régulée par de nombreux facteurs cellulaires. C’est cependant une propriété intrinsèque de la tubuline, que l’on peut reproduire in vitro à partir de tubuline purifiée et en présence de GTP. Un des aspects les moins bien compris de la dynamique des microtubules est l’étape de genèse des microtubules appelée nucléation.
La difficulté de produire la tubuline sous forme recombinante a pendant longtemps été un frein à l’étude de la dynamique des microtubules. Les scientifiques ont tiré avantage d’une méthode originale d’expression de tubuline en cellules d’insectes. Ils ont, dans un premier temps, identifié une mutation ponctuelle de la tubuline qui facilite l’assemblage en microtubules. Ils ont ensuite mené une étude comparative de la tubuline "mutée" et de la tubuline "sauvage"
La cristallographie aux rayons X a permis de confirmer le rôle d’un acide aminé (tyrosine) dans l’assemblage. En présence de GDP, ce résidu interagit avec une boucle de la chaine polypeptidique de la tubuline et maintient cette protéine dans un état « inactif ». À la fixation du GTP, cette interaction est rompue, activant la tubuline pour l’assemblage. Chez le mutant, où la tyrosine est remplacée par une phénylalanine, l’interaction ne peut pas se faire même en présence de GDP, ce qui conduit à une tubuline « super-compétente » pour l’assemblage. Il est remarquable que la présence ou l’absence (tyrosine ou phénylalanine) d’un groupement hydroxyle dans cette protéine d’environ 900 amino-acides change aussi radicalement ses propriétés d’assemblage.
Les chercheurs ont également visualisé par microscopie électronique les petits oligomères de tubuline qui se forment avant l’apparition des microtubules. Pour ce faire, ils ont utilisé une technique de fixation rapide (« rapid flush negative stain electron microscopy ») qui préserve les structures présentes en solution. Alors qu’une grande majorité des oligomères sont courbes quel que soit le nucléotide, en présence de GTP, une petite proportion d’entre eux sont droits. De façon remarquable, cette proportion augmente chez le mutant qui s’assemble plus facilement. L’analyse mathématique de l’ensemble des données cinétiques et de microscopie indique que le « noyau » qui donnera le microtubule est un arrangement de 4 molécules de tubuline pour le sauvage contre 6 molécules pour le mutant.
Dans le contexte de la cellule, la nucléation des microtubules est facilitée par différents facteurs protéiques. Il est possible que ces facteurs agissent par stabilisation d’oligomères droits de tubuline. La méthode d’analyse développée dans cette étude sera utile pour aborder cette question.
Pour en savoir plus :
GTP-dependent formation of straight tubulin oligomers leads to microtubule nucleation.
Ayukawa R, Iwata S, Imai H, Kamimura S, Hayashi M, Ngo KX, Minoura I, Uchimura S, Makino T, Shirouzu M, Shigematsu H, Sekimoto K, Gigant B, Muto E.
J Cell Biol. 5 février 2021. doi: 10.1083/jcb.202007033.
Contact :
Benoît Gigant, Chercheur CNRS à l'Institut de biologie intégrative de la cellule (I2BC) / +33 1 69 82 35 01