Yasmine Amhis, élue nouvelle coordinatrice de la physique pour l’expérience LHCb
L’élection de Yasmine Amhis au poste clé et stratégique de coordinatrice scientifique à la veille du redémarrage du LHC sonne comme une reconnaissance éclatante de son engagement pour la communauté. Chercheuse en physique des particules au Laboratoire de physique des 2 infinis Irène Joliot-Curie (IJCLab - CNRS/Université Paris-Saclay), elle se consacre à l’expérience LHCb depuis sa thèse débutée à Orsay en 2006. Infatigable cheville ouvrière de l’expérience elle s’est fait une place de choix au sein de cette collaboration de plus de 1000 scientifiques.
« C’est un moment joyeux et je suis heureuse d’être à cette place ici et maintenant, » confie Yasmine Amhis, chercheuse en physique des particules sur l’expérience LHCb à IJCLab et fraichement élue coordinatrice scientifique de la collaboration. Il faut reconnaître que, pour elle, toutes les étoiles semblent alignées, inaugurant un nouveau cycle exaltant de sa vie de chercheuse. Arrivée au CERN depuis septembre dernier, Yasmine Amhis qui est actuellement très impliquée dans la préparation des « premières mesures » de l’expérience, sera en effet aux premières loges pour préparer et assister en direct à la montée en puissance de l’instrument et à la collecte des premières précieuses données du run 3 du LHC. Non contente d’être au cœur de l’action, elle en sera donc dès août prochain, lorsqu’elle prendra officiellement ses fonctions, l’une des actrices principales.
Yasmine Amhis aura alors la lourde responsabilité de structurer et d’animer la vie scientifique de la collaboration : organiser des groupes de travail et superviser la nomination de leurs coordinateurs et coordinatrices, s’assurer que LHCb est bien représentée dans les grandes conférences, lors de séminaires au CERN et surtout, assurer la revue des analyses jusqu’à leur publication dans des revues scientifiques. Autant dire que la tâche ne sera pas de tout repos. Mais Yasmine Amhis en a bien conscience. « Il y aura des phases de médiations et d’arbitrages nécessaires car nombre de nos analyses sont très compétitives, mais j’espère que l’on pourra surtout parler de physique entre nous », précise la chercheuse.
Le parcours de Yasmine Amhis aurait pu être tout autre quand, il y a 20 ans, elle arrive d’Alger en France à Orsay pour suivre des études de médecine. « Je me suis très vite prise de passion pour les sciences physiques » s’amuse la chercheuse. Résultat l’étudiante change radicalement de cap et entreprend des études de physique. S’en suivent un stage de master et une thèse au LAL (maintenant IJClab) dans l’expérience LHCb. Une expérience qui va devenir le fil conducteur de sa carrière. À l’époque, l’accélérateur LHC subit une avarie technique qui retarde son démarrage en 2010, alors qu’il était initialement prévu pour 2008. Trop tard pour la jeune doctorante qui achève sa thèse sans données expérimentales à son grand dam, alors que ses collègues engagés sur les autres usines à beauté (comme BaBar à SLAC) font de belles « analyses ». Une légère déconvenue qui n'entame pas sa motivation et l’encourage à poursuivre avec un post-doctorat toujours sur LHCb à École Polytechnique Fédérale de Lausanne. Une expérience marquante pour elle, où elle enseigne et passe beaucoup de temps au CERN. Puis elle est embauchée au CNRS à IJCLab, toujours sur LHCb.
En tout Yasmine Amhis a passé quelques 16 années sur l’expérience LHCb et accumulé une expérience sur de très nombreux aspects notamment en coordonnant des groupes de travail d’analyse variés comme la mesure de propriétés des particules (masse, temps de vie, probabilités de désintégrations) ou l’étude de l’universalité de la saveur leptonique, un principe clé du Modèle Standard. Yasmine Amhis a également travaillé sur des algorithmes de reconstruction de détecteurs, comme récemment celui du nouveau trajectographe à fibres scintillantes (SciFi) qui prendra ses premières données cette année. « Cette expérience très large à très probablement joué lors de mon élection, » reconnait la chercheuse « mais je crois que ce qui a surtout fait la différence, en tout cas je l’espère, c’est ma capacité à créer une bonne atmosphère de travail et à donner de l’énergie aux scientifiques qui travaillent avec moi ».
Malgré l’investissement que va lui demander son mandat, Yasmine Amhis compte bien continuer ses recherches et elle gardera un pied à Orsay avec l’encadrement de son étudiante en thèse, actuellement en 2e année la chercheuse s’intéresse en particulier à ce qu’on appelle des « analyses angulaires de baryons rares ». La période qui s’ouvre s’annonce passionnante pour la chercheuse : « Nous avons de la chance d’avoir déjà récolté énormément de données au LHC, ce qui nous permet d’étudier des phénomènes très rares. Pour certaines études très difficiles, nous sommes encore en train d’exploiter les données accumulées aux runs 1 et 2 ».
« De l’extérieur, on a l’impression que l’on passe un temps infini sur ces grandes expériences du CERN, mais j’y ai déjà fait tellement des choses très différentes que cela n’a rien de monotone pour moi. » Est-ce que le travail de chercheuse correspond à ses rêves d’étudiante ? « Dans l’ensemble mon métier est tout à fait comme je le voulais, mais il y a de nombreux d’aspects dont je n’avais absolument pas conscience plus jeune. Je voyais le métier de chercheuse en physique des particules comme assez solitaire, devant un ordinateur. » La collaboration avec les milliers de scientifiques de la collaboration LHCb lui prouvera le contraire. « Je suis rarement longtemps seule et assise, entre le travail dans la caverne sur les détecteurs et les nombreuses heures passées en réunion pour échanger, discuter, argumenter ». Ses qualités d’écoute, de bienveillance et d’argumentation, Yasmine Amhis aura l’occasion de les mettre en œuvre à grande échelle dès le début de son mandat en août prochain.
Une troisième coordination de la physique dans LHCb pour l’IN2P3
La coordinatrice (ou le coordinateur) de la physique est élue après un « grand oral » où chacun et chacune des 1000 auteurs de la collaboration a pu donner son avis sur sa candidature. C’est un poste clé pour l’expérience scientifique, incarné pour la troisième fois par un scientifique de l’IN2P3 après Marie-Hélène Schune (IJCLab) en 2018 et Matthew Charles (LPNHE) en 2019-2020 (voir l'historique).
En savoir plus
- Yasmine Amhis, exploratrice de la matière sur France Alumni (septembre 2017)
- Yasmine Amhis, lauréate 2016 du prix Jacques Herbrand (physique) sur le site de l'Académie des Sciences