Un nouveau mode de désintégration radioactif identifié
Plus de cent ans après qu’Ernest Rutherford a identifié les rayonnements alpha et béta, des scientifiques1 de l’Université Paris-Saclay, du CEA et du CNRS viennent de proposer, grâce à une modélisation théorique s’appuyant sur un calcul quantique de haute performance, un nouveau mode de désintégration spontanée, dans lequel deux particules alphas sont simultanément émises par un noyau lourd, dans des directions opposées. Ces résultats ont été publiés dans Physical Review Letters le 2 juillet 2021.
- 1notamment au Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie (IJCLab - CNRS/Univ. Paris-Saclay))
Les noyaux des atomes radioactifs, instables, se désintègrent spontanément et se transforment en d’autres atomes plus stables en émettant des particules et de l’énergie. Après la découverte de la radioactivité par Henri Becquerel en 1896, c’est Ernest Rutherford, physicien et chimiste néo-zélandais qui, lors de ses recherches sur l'uranium, a mis en évidence deux types de rayonnement : les rayonnements alpha et bêta. Il montra un peu plus tard que les particules alpha émises étaient constituées de deux protons et deux neutrons, soit un noyau d’hélium. Cette découverte a apporté une contribution majeure à la théorie atomique moderne, mais cent ans plus tard, les modes de désintégration possibles n'ont pas tous été identifiés et constituent encore un défi en physique nucléaire.
Grâce à un calcul quantique de haute performance, une équipe scientifique impliquant des chercheurs du Laboratoire de physique des deux Infinis Irène Joliot-Curie (IJCLab) a pu déterminer les chemins dynamiques qui caractérisent les émissions alpha et deux alphas du 212Po et 224Ra.
Si les chaînes séquentielles de décroissance alpha sont régulièrement observées dans les expériences impliquant des noyaux lourds et superlourds, une émission simultanée de deux particules alphas par un noyau n’a encore jamais été détectée.
Toutefois, les demi-vies prédites pour l’émission symétrique de deux alphas sont comparables à celles de la radioactivité cluster2 , déjà détectée, et sont donc compatibles avec les capacités actuelles de détection.
Le calcul a par ailleurs permis d’identifier de nombreux noyaux candidats pour la radioactivité deux alphas. Ces résultats promettent ainsi de détecter de façon expérimentale ce mode de désintégration avec des détecteurs de particules alphas, avec de nouvelles implications à la clé en physique par exemple.
- 2La radioactivité cluster est une radioactivité dans laquelle un noyau lourd émet un petit noyau (un cluster) comme,par exemple,un petit noyau de carbone-14.
Microscopic description of 2α-decay in ²¹²Po and ²²⁴Ra isotopes. F. Mercier, J. Zhao, J.-P. Ebran, E. Khan, T. Niksic, et D. Vretenar. Physical Review Letters, le 2 juillet 2021. DOI : 10.1103/PhysRevLett.127.012501
Contact chercheur :
Elias Khan, Professeur de l'Université Paris-Saclay à l'IJCLab