Transformer les déchets organiques en produits biosourcés grâce à la photocatalyse
Deux scientifiques de CY Cergy Paris Université, respectivement rattachés au laboratoire BIOCIS et à la plateforme Peptlab, ont développé un photocatalyseur permettant de détruire n’importe quel déchet organique, et d’en obtenir des produits biosourcés. Ce projet est soutenu par le programme RISE du CNRS et financé par la SATT Erganeo.
Le traitement et la valorisation des déchets organiques et de la biomasse est l’un des grands défis environnementaux actuels. En effet, les moyens généralement utilisés pour leur traitement peuvent notamment être sources d’émission de gaz à effet de serre et de pollution. L’une des solutions pourrait résider dans le projet OWETIC, porté par Nancy Linder, scientifique au laboratoire Biomolécules : conception, isolement, synthèse (BioCIS1 ) et Nicolas Pasternak, ingénieur de recherche à la plateforme Peptlab. Leur procédé permet en effet de transformer la biomasse et les déchets organiques en produits biosourcés d’intérêt industriel grâce à la photocatalyse.
Les déchets organiques sont produits par l’ensemble des êtres vivants, animaux comme végétaux, qu’il s’agisse d’effluents d’élevages, des boues issues des stations d’épuration, des résidus agricoles, des déjections, des déchets alimentaires, ou encore les résidus des processus de méthanisation. Dans le contexte actuel de crises environnementales, dont le changement climatique et la pollution, le traitement de ces déchets organiques est un challenge à relever pour de nombreux industriels et collectivités.
Le procédé développé par OWETIC peut donc apparaître comme l’une des solutions grâce à une méthode propre et innovante permettant, en quelques heures, de dégrader totalement n’importe quel déchet organique. À l’issue du processus, ces déchets organiques sont de plus valorisés sous forme de produits biosourcés, principalement de l’acétone et du méthanol. Cette innovation est rendue possible grâce à l’action de la lumière visible et des propriétés photocatalytiques d’un matériau créé par les deux scientifiques.
La technologie d’OWETIC repose en effet sur un photocatalyseur à base d’oxyde métallique créé par Nancy Linder et Nicolas Pasternak. Le photocatalyseur en question est un composé chimique qui, grâce à l’action de la lumière, va entraîner des réactions radicalaires détruisant la matière organique qui entre en contact avec lui.
Le photocatalyseur synthétisé par les deux scientifiques présente de nombreux avantages. Il est synthétisé dans l’eau à basse température, alors que les synthèses classiques nécessitent l’utilisation de solvant organique. De plus, la réaction n’a pas besoin d’une haute température pour se produire. Enfin, alors que la lumière UV est souvent nécessaire en photo-chimie, le procédé d’OWETIC fonctionne grâce à la lumière visible.
Cinq brevets déposés depuis 2015
Une autre particularité du photocatalyseur d’OWETIC est « d’être sous forme agglomérée, au lieu d’être constitué de nanoparticules qui sont très décriées en ce moment », précise Nancy Linder, responsable scientifique du projet OWETIC et professeur émérite CY Cergy Paris Université au laboratoire BioCIS. De plus, le photocatalyseur en question peut être réutilisé un très grand nombre de fois.
Si dans un premier temps, les scientifiques ont utilisé leur procédé pour le traitement de la biomasse, ils se sont par la suite rendu compte qu’il permettait de dégrader les plastiques mais également tous les déchets organiques. Que ces derniers soient solides ou liquides. « Il y a une telle pression sur la gestion de l’eau dans le futur que c’est vraiment très important de pouvoir aussi fournir ce service pour traiter l’eau », explique Nicolas Pasternak, responsable technique du projet OWETIC et ingénieur de recherche CY Cergy Paris Université au sein de la plateforme Peptlab. Toutes ces évolutions ont fait l’objet de cinq brevets déposés depuis 2015.
« Algue, bois… On a au final essayé une quarantaine de types de biomasses différentes, et nous n’avons jamais trouvé quelque chose que notre procédé ne pouvait pas transformer », résume Nicolas Pasternak. À titre d’exemple, OWETIC pourrait être une solution à la gestion complexe des déchets finaux des stations d’épuration, qui sont sous forme de boues, ou des méthaniseurs, appelés digestat. « Les méthaniseurs sont importants parce qu’ils peuvent produire du gaz, et nous pouvons être une solution complémentaire pour détruire le digestat et le transformer en méthanol ou acétone, qui pourront être utilisés derrière », illustre le responsable technique.
L’une des forces d’OWETIC est en effet que son procédé permet in fine d’obtenir des produits biosourcés : du méthanol, évoqué comme potentiel carburant du futur, et de l’acétone, qui est quant à lui grandement utilisé en chimie, en cosmétique ou en pharmaceutique. « Il y a une pression grandissante d’utiliser des produits biosourcés donc les entreprises essaient de trouver des solutions, rappelle Nicolas Pasternak. Mais ils en manquent parce que les produits biosourcés sont peu nombreux sur le marché. »
« Une réponse aux problématiques environnementales »
La solution d’OWETIC pourrait donc autant permettre de traiter les déchets organiques que de valoriser les produits biosourcés qui en seront issus. « Au début, notre intérêt n’était pas forcément d’aller vers un procédé industriel, mais au fur et à mesure qu’on avançait sur le projet, on s’est rendu compte qu’on tenait peut-être une réponse aux problématiques environnementales, souligne Nancy Linder. Plusieurs industriels sont intéressés par notre procédé. »
Plusieurs étapes vont jalonner les prochains mois pour OWETIC, qui doit devenir une start-up pour fin 2024-début 2025 en s’appuyant sur un industriel. Les deux scientifiques travaillent actuellement sur un nouveau démonstrateur de laboratoire d’une capacité plus grande que l’actuel, afin de pouvoir implanter courant 2025 un pilote industriel directement dans une entreprise qui exploiterait la solution.
OWETIC, initialement nommé BETIC, fait partie de la promotion 2023 des projets de start-up soutenus par le programme RISE du CNRS. RISE est ouvert à tous les projets de start-up et aux jeunes start-up impliquant le CNRS. L’accompagnement apporte aux porteurs de projets une expertise précieuse permettant de faire émerger leur projet dans des conditions optimales, en bénéficiant d’un accompagnement efficace d’un an en amont, dispensé par une équipe d’experts dédiés et de mentors pour les suivre dans toutes leurs étapes de développement.
- 1CNRS/Université Paris-Saclay/CY Cergy Paris Université