A quelle vitesse les chromosomes sexuels dégénèrent-ils ?
Les chromosomes sexuels sont souvent très différenciés, comme le X et le Y chez l’être humain, avec le chromosome Y très petit et très dégénéré, ayant perdu presque tous ses gènes. Des scientifiques du Laboratoire écologie systématique évolution (ESE - CNRS / AgroParisTech / Université Paris-Saclay) a étudié à quelle vitesse les chromosomes sexuels dégénèrent en étudiant des chromosomes de types sexuels de champignons, qui sont encore relativement jeunes. Cet article a été publié dans Molecular Biology and Evolution.
Les échanges génétiques entre chromosomes hérités des deux parents sont bénéfiques sur le long terme, car ils permettent une sélection plus efficace. Malgré ces avantages, une suppression locale des échanges génétiques peut évoluer, en particulier sur les chromosomes sexuels, et conduire à terme à une dégénérescence. Le chromosome Y par exemple chez l’être humain a arrêté ses échanges génétiques avec le chromosome X et a dégénéré, au point qu’il lui reste moins de 10 gènes fonctionnels. La vitesse de la dégénérescence était cependant difficile à étudier car les chromosomes sexuels de mammifères sont très anciens et déjà très dégénérés.
Une équipe scientifique a étudié à quelle vitesse de mauvaises mutations s’accumulent sur les chromosomes sexuels, en utilisant un jeu de données unique, comprenant 22 événements indépendants et relativement récents de suppression d’échanges génétiques identifiés sur les chromosomes de type sexuel de champignons. Ils ont daté les événements de suppression des échanges génétiques entre chromosomes sexuels de quelques milliers d’années à 4 millions d’années. Les résultats ont montré que les mutations qui changent les protéines s’accumulent linéairement avec le temps, à un taux extrêmement rapide de 10 mutations par gène par million d’années. Ils ont estimé une force de sélection contre ces changements d’acides aminés qui était intermédiaire entre une sélection complètement purifiante (empêchant tout changement) et une évolution complètement neutre, sans sélection efficace. Les mutations qui donnent des codons moins efficaces lors de la traduction en protéines ont encore plus rapidement augmenté après la suppression des échanges génétiques et ont atteint une asymptote après environ 3 millions d'années.
Ces résultats indiquent globalement que la sélection contre les mauvaises mutations agit toujours sur les chromosomes sexuels, mais elle est beaucoup moins efficace, ce qui est important pour comprendre l'évolution des génomiques et le devenir des chromosomes sexuels.
Référence
Fantin Carpentier, Ricardo C. Rodríguez de la Vega, Paul Jay, Marine Duhamel, Jacqui A. Shykoff, Michael H. Perlin, R. Margaret Wallen, Michael E. Hood, Tatiana Giraud. Tempo of degeneration across independently evolved non-recombining regions. Molecular Biology and Evolution. 2022