Observer la vie à haute température grâce au chauffage par laser

Résultat scientifique Ingénierie et systèmes

Des scientifiques de l'Institut Fresnel (CNRS/Aix-Marseille Université/École centrale de Marseille) et de l'Institut de biologie intégrative de la cellule (I2BC - CNRS/CEA/Université Paris-Saclay) ont observé des micro-organismes vivants à haute température par microscopie optique, grâce à une technique de chauffage par laser. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.

Dans des sources chaudes, ou sur des sites volcaniques, vivent des micro-organismes qui se développent à des températures pouvant dépasser 100°C. L'étude de ces bactéries thermophiles est riche d'enseignements sur la manière dont leurs constituants (protéines, enzymes...) résistent aux hautes températures. Elles sont aussi à la base de nombreuses applications de biotechnologies (synthèses chimiques, biocatalyses...). Mais il est difficile d'étudier au microscope le métabolisme et les interactions des thermophiles vivantes, car les instruments disponibles ne permettent pas de chauffer simplement les échantillons, et sont limités en température.

Des scientifiques de l'Institut Fresnel (CNRS/Aix-Marseille Université/Ecole Centrale de Marseille), de l'Institut de biologie intégrative de la cellule (I2BC, CNRS/CEA/Université Paris-Saclay) et de l'institut Pasteur (Paris) ont mis au point un dispositif simple pour observer des microoganismes vivants à haute température par microscopie optique à haute résolution. Son principe est d'utiliser un laser pour chauffer les échantillons placés sous l'objectif du microscope.

La technique consiste à cultiver les micro-organismes sur une lamelle de verre couverte de nanoparticules d'or, et à chauffer ces nanoparticules par une illumination laser. L'absorption intense des nanoparticules permet d'atteindre des températures élevées avec de faibles puissances laser. Cette méthode produit un chauffage rapide et très local (quelques dizaines de μm3), et évite ainsi de recourir à un caisson chauffant qui soumettrait l'environnement de l'échantillon à de fortes températures, avec des risques de détériorations. La distribution des températures est cartographiée par une technique de microscopie de phase quantitative, qui mesure les variations d'indice de réfraction, avec deux atouts : elle est non invasive, et sa résolution est meilleure que le micron.

L'équipe a testé le nouveau dispositif avec plusieurs micoorganismes thermophiles, et a pu ainsi observer pour la première fois la division, la vitesse de croissance, la germination et la nage de la bactérie Geobacillus stearothermophilus jusqu'à 65°C, ainsi que la croissance de l'archée hyperthermophile Sulfolobus shibatae qui se développe de manière optimale à une température de 80°C. Les résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.

Le chauffage par laser peut s'adapter à tous les types de microscopie optique, et en particulier aux techniques de microscopie en super résolution, ce qui ouvre la voie à l'étude des microorganismes thermophiles jusqu'à des échelles proches du nanomètre.

Schema
Schéma du dispositif expérimental comprenant un microscope optique, un laser pour chauffer les nanoparticules d'or de l'échantillon, un SLM (spatial light modulator) pour façonner le faisceau laser, et un réseau de diffraction 2D placé devant une caméra qui permet de réaliser des mesures de température et de masse de bactéries individuelles.
© Springer Nature 2022
Bacterie thermophiles
Germination de bactéries thermophiles (Geobacillus stearothermophilus) à partir de spores micrométriques observée par microscopie de phase, et activée par chauffage laser de nanoparticules d'or à 58°C.
© Springer Nature 2022

 

Nage de bactéries thermophiles

Nage de bactéries thermophiles (Geobacillus stearothermophilus) activée par chauffage laser de nanoparticules d'or à 60°C. Accélérée 3 fois.

Audiodescription

© Maëlle Bénéfice & Guillaume Baffou, CNRS.

Références :

Life at high temperature observed in vitro upon laser heating of gold nanoparticles
Céline Molinaro, Maëlle Bénéfice, Aurore Gorlas, Violette Da Cunha, Hadrien M. L. Robert, Ryan Catchpole, Laurent Gallais, Patrick Forterre, Guillaume Baffou

Nature Communications
https://doi.org/10.1038/s41467-022-33074-6
Article disponible sur la base d'archives ouvertes HAL

Retrouver l'actualité sur le site internet de l'Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes du CNRS (INSIS)