L’Iran, un centre de domestication additionnel des pommiers

Résultat scientifique Biologie

Dans un article publié dans la revue Molecular Ecology, un consortium international franco-iranien, arménien et asiatique apporte un nouvel aperçu de la domestication du pommier à l’aide de marqueurs génétiques. Le laboratoire Génétique quantitative et évolution - Le Moulon ( GQE - LE MOULON - CNRS/INRAE/AgroParisTech/Université Paris-Saclay), situé à Gif-sur-Yvette, fait partie de ce consortium.

Les processus de domestication des arbres fruitiers dans le Caucase et en Iran restent peu étudiés, bien que ces régions soient pourtant centrales dans la domestication de nombreuses céréales, et riches en espèces de fruitiers sauvages (pommiers, abricotiers, poiriers…). Le pommier est un des fruits les plus consommés des régions tempérées et est un modèle d’étude pour comprendre les processus de domestication et d’adaptation des arbres fruitiers à leur environnement.

Des analyses de génétique ont montré que le pommier cultivé, Malus domestica, a été domestiqué entre les 10 000 et 4 000 dernières années, dans les montagnes du Tian Shan en Asie Centrale à partir de l’espèce locale de pommier sauvage, M. sieversii. Cette dernière présente des pommes aux goûts et aux formes très variés, et dans certains cas, très proches des pommes cultivées. Par la suite, le pommier cultivé a été amené en Europe par l’intermédiaire des routes de la soie, traversant ainsi l’Asie, le Caucase, puis enfin l’Europe. Lors de ces tribulations en Eurasie, des échanges de gènes ont eu lieu entre le pommier cultivé et les espèces sauvages locales. Tout d’abord, avec le pommier sauvage sibérien M. baccata. Ensuite, lorsque le pommier cultivé a été amené en Europe il y a environ 1500 ans, le pommier sauvage européen, M. sylvestris est entré en scène. A ce moment-là, le pommier cultivé a subi des hybridations massives par le pommier sauvage européen. Alors que l’histoire de la domestication du pommier a été bien documentée en Asie Centrale et en Europe, le rôle du Caucase et de l’Iran, et de l’espèce de pommier sauvage locale, M. orientalis, dans la domestication du pommier restaient à éclaircir. Cette espèce de pommier sauvage est connue dans les programmes d’amélioration variétale de la pomme pour sa résistance aux pathogènes ; elle présente des fruits petits et acides. 

Un consortium franco-iranien, -arménien, -asiatique, montre, par l’utilisation de marqueurs génétiques, une domestication additionnelle du pommier en Iran, avec une contribution majeure du pommier sauvage caucasien, M. orientalis. Les variétés de pommes cultivées iraniennes et du Caucase forment deux groupes génétiques distincts des variétés de pommes consommées en Europe. Ces deux groupes génétiques ont été domestiqués à partir du pommier sauvage local, M. orientalis. Le pommier sauvage caucasien a aussi contribué au génome du pommier cultivé via des introgressions (incorporation de matériel génétique entre deux espèces/populations par hybridation) vers le pommier cultivé ; ces introgressions sauvage-vers-cultivé sont aussi observées en Europe, du pommier sauvage européen, M. sylvestris, vers les variétés de pommes cultivées européennes. Réciproquement, des échanges de gènes des pommiers cultivés dans les vergers en Iran et le Caucase vers les populations naturelles de pommiers sauvages sont fréquents, un patron aussi observé en Europe. Sept populations de pommier sauvage caucasien, M. orientalis, distribuées à travers le Caucase et l’Iran et non introgressées par le pommier cultivé ont aussi été détectées et résultent de changements d'aires de répartition des pommiers au cours des glaciations passées. 

Cette étude révèle ainsi que la domestication du pommier implique de multiples origines de domestication dans différentes zones géographiques, avec la contribution de plusieurs espèces sauvages, et d’importantes hybridations cultivés-sauvages, comme démontré chez d'autres arbres fruitiers tels que les abricotiers ou les poiriers. Cette étude met également en évidence l'impact du changement climatique passé sur les processus de divergence naturelle d'un arbre fruitier sauvage et fournit un point de départ pour les programmes de conservation des pommiers dans le Caucase et en Iran et pour les programmes d’amélioration variétale de la pomme.

Figure
© Amandine Cornille

Figure : Histoire de la domestication du pommier cultivé (Malus domestica) en Eurasie. 1. Domestication du pommier il y a 10000 ans dans les montagnes du Tian Shan en Asie Centrale à partir du pommier sauvage d’Asie Centrale, Malus sieversii. 2. Diffusion le long des Routes de la Soie, M. baccata, M. orientalis, et M. sylvestris en Europe, ont contribué au génome du pommier cultivé par des hybridations. L’Iran est aussi un centre de domestication additionnel. À noter que les fruits des pommiers sauvages apparentés au pommier cultivé ont des formes et goûts très variés.  

 

Pour en savoir plus

Evidence of an additional center of apple domestication in Iran, with contributions from the Caucasian crab apple Malus orientalis Uglitzk. To the cultivated apple gene pool.
Hamid Bina,Hamed Yousefzadeh,Anthony Venon,Carine Remoué,Agnès Rousselet,Matthieu Falque,Shadab Faramarzi,Xilong Chen,Jarkyn Samanchina,David Gill,Akylai Kabaeva,Tatiana Giraud,Batool Hossainpour,Hamid Abdollahi,Ivan Gabrielyan,Anush Nersesyan,A. Cornille
Molecular Ecology 19 aout 2022.  doi: 10.1111/mec.16667

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