Hydrogène décarboné : des équipes des laboratoires de recherche du CNRS à Paris-Saclay impliquées dans le développement de la filière
Dans le cadre d’un plan de relance ambitieux pour atteindre la neutralité carbone, la France mise sur l’hydrogène décarboné et déploie des moyens conséquents pour le développement de cette filière et l’accompagnement des recherches dans le domaine. Le CNRS a lancé le 9 mars 2021 sa Fédération de recherche hydrogène « FRH2 » : plus de 270 scientifiques experts de cette thématique qui travaillent dans des laboratoires de pointe du CNRS et de ses partenaires, en lien fort avec des industriels.
Zoom sur 3 équipes de recherche dans les laboratoires CNRS du territoire Paris-Saclay particulièrement impliquées dans cette filière, jusqu’à des innovations prometteuses.
L'atome d’hydrogène n’est pas une source d’énergie primaire. Pour faire un vecteur d’énergie, il faut le transformer en dihydrogène, sa forme moléculaire (H2), afin de pouvoir ensuite le transporter, le stocker, puis, enfin, en tirer de l’énergie. Pour que l’hydrogène soit à la base de l’énergie propre de demain (lire « L’hydrogène tiendra-t-il ses promesses ? » sur CNRS le Journal), l’enjeu est de développer des capacités de production d’hydrogène à empreinte carbone nulle.
La stratégie nationale d’accélération « hydrogène décarboné » dotée de 7 milliards d’euros (d’ici à 2030) dont 2,3 milliards inclus dans le plan « France Relance » entre 2020 et 2023 se situe au cœur de la transition écologique. Elle vise notamment à soutenir les efforts de recherche sur les technologies de l’hydrogène comme les piles, électrolyseurs ou matériaux innovants.
Parmi les 270 scientifiques experts de la Fédération de recherche hydrogène « FRH2 » du CNRS qui visent à développer cette filière « hydrogène décarboné », on compte des chercheurs et ingénieurs issus de laboratoires du CNRS à Paris-Saclay qui travaillent sur ces différents aspects :
Une technique d’électrolyse de l’eau pour la production d’hydrogène en grande quantité et sans impact carbone :
Equipe de Pierre Millet, professeur de l'Université Paris-Saclay à l'Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d'Orsay - ICMMO (CNRS/Université Paris-Saclay).
L’électrolyse de l’eau est un principe bien connu en chimie qui permet de dissocier la molécule H2O à l’aide d’un courant électrique continu, ce qui produit deux gaz : l’hydrogène moléculaire (H2) et l’oxygène moléculaire (O2). Les travaux de l’équipe de Pierre Millet visent à développer une technique particulière d’électrolyse de l’eau, dite « électrolyse PEM », qui utilise un électrolyte solide à membrane polymère échangeuse de protons (Proton Exchange Membrane) à la place d’un électrolyte liquide (électrolyse alcaline). Longtemps utilisée pour la production d’oxygène en milieux confinés (ex : sous-marins), elle sert aujourd’hui à la production d’hydrogène en grande quantité et sans impact carbone.
Les activités de Pierre Millet ont déjà conduit en 2003 à la création de la société CETH, devenue aujourd’hui Elogen : le seul fabricant français d'électrolyseurs PEM de forte puissance.
L’équipe de Pierre Millet à l’ICMMO bénéficie d’un ancrage solide sur le territoire national, que la Fédération FRH2 va permettre de structurer davantage, mais aussi européen et international. La Fédération devrait aussi contribuer à la formation de jeunes chercheurs/ingénieurs grâce à l’échange de doctorants et post-docs.
De nouveaux matériaux pour augmenter la durabilité et les performances des systèmes de piles et électrolyse à hydrogène :
Equipe de Guilhem Dezanneau, directeur de recherche CNRS et directeur du laboratoire Structures, propriétés et modélisation des solides - SPMS (CNRS/CentraleSupelec) à Gif-sur-Yvette.
L’équipe travaille sur l’exploration de nouveaux matériaux pour le développement de nouvelles « cellules céramiques à oxyde solide » utiles comme pile (production d’électricité à partir d’hydrogène), ou comme électrolyseur (production d’hydrogène à partir d’eau et d’électricité). Ce type de cellules, au contraire de celles basées sur les polymères, fonctionne à haute température (autour de 750-800°C) et est entièrement basé sur des matériaux oxydes assemblés par des procédés dits « céramiques ». Cela permet de ne pas utiliser de catalyseurs basés sur des métaux précieux et de parvenir à un bien meilleur rendement de conversion.
L’objectif du laboratoire est d’analyser ces matériaux afin de déterminer précisément leurs caractéristiques et propriétés. Pour Guilhem Dezanneau :
La recherche en science des matériaux permettra d’une part d’abaisser la température de fonctionnement des cellules à oxyde solide, et d’optimiser les conditions de fabrication et trouver des formulations plus robustes. In fine, il s’agit d’augmenter la durabilité et les performances des systèmes existants.
Cette recherche permet également d’explorer de nouveaux concepts. Grâce à un financement de l’ANR, le laboratoire travaille en particulier sur les piles à « conduction protonique », qui peuvent fonctionner à des températures moins élevées (autour de 500°C). Ce projet vise à identifier les matériaux les plus performants pour des piles à combustible de nouvelle génération. « Il s’agit in fine de faire évoluer toute la chaîne de valeur du développement matériau de manière à aller beaucoup plus vite dans l’exploration. Outre l’identification de matériaux performants, le projet permettra de créer une base de données bien plus exhaustive que celle trouvée dans les articles et consolidera donc fortement les connaissances sur ces matériaux. »
Menées depuis près de quinze ans en France par plusieurs équipes CNRS, dont le SPMS, les études autour de ce type de cellules convergent actuellement et font émerger une technologie « made in France ». Ce projet de recherche associe également le synchrotron SOLEIL, le laboratoire CEA/IRAMIS et des partenaires lillois et espagnols.
Un projet de startup pour la production d’hydrogène par décharges de plasmas froids :
Christophe Laux1 , professeur à CentraleSupélec et chercheur au laboratoire Energétique Moléculaire et Macroscopique, Combustion - EM2C (CNRS/CentraleSupelec) à Gif-sur-Yvette, conseiller scientifique de la spin-off Spark CleanTech.
- 1Christophe Laux a reçu la distinction de "Fellow 2020" de l'American Institute of Aeronautics and Astronautics (AIAA), en reconnaissance de ses contributions notables et précieuses aux arts, sciences ou technologies de l'aéronautique et de l'astronautique.
L’équipe de Christophe Laux travaille sur les « Plasmas Hors-Equilibre » et étudie les mécanismes physico-chimiques des plasmas froids pour des applications utiles à la transition énergétique. Une thèse menée au sein de son équipe par Erwan Pannier et portant sur la conversion du CO2 par plasmas froids a fait émerger une technique de production d’hydrogène inédite sans empreinte carbone. Combinée à l’utilisation de plasma froid, leur technique d’électrolyse ne nécessite pas de catalyse. Un procédé offrant ainsi un grand nombre d’avantages dont l’augmentation de l’efficacité énergétique et du taux de production. Le projet de startup Spark CleanTech, actuellement hébergée au sein de l’EM2C, est en cours de maturation auprès de la SATT Paris-Saclay. La startup s’appuie sur l’expertise en physico-chimie des décharges plasmas de l'équipe Plasmas Hors-Equilibre du laboratoire EM2C, notamment sur la caractérisation par diagnostics optiques des produits formés et la détermination des mécanismes cinétiques. Le plan de relance permettra de soutenir le développement de cette technologie alternative prometteuse. La Fédération CNRS permettra de mettre en synergie les connaissances scientifiques nécessaires au développement et à l'optimisation du procédé. |