Des réseaux de neurones artificiels dynamiques pour concurrencer les meilleurs algorithmes d’IA classiques
Julie Grollier, chercheuse en physique et curieuse de toutes les disciplines, médaillée d’argent du CNRS en 2018, vient de se voir décerner une prestigieuse bourse européenne « ERC Advanced Grant » qui financera son projet de recherche sur les 5 prochaines années.
Il vise à démontrer qu’un ensemble de neurones artificiels « imparfaits », inspirés de nos neurones et synapses biologiques, peut apprendre aussi bien que les meilleurs algorithmes utilisés en intelligence artificielle.
Julie Grollier, avec son équipe de l’Unité mixte de physique (UMPhy) CNRS/Thales, continue d’explorer cette voie fascinante des neurones artificiels inspirés du cerveau dont elle est devenue une spécialiste.
Julie Grollier est chercheuse en spintronique, une discipline qui a émergé dans les années 1980 et qui permet de contrôler à l’aide de courants électriques les spins, minuscules « aimants » des électrons. Parmi les grandes découvertes de cette discipline : la magnétorésistance géante, phénomène qui rend possible la lecture des données numériques de la plupart des disques durs actuels, découverte par Albert Fert, prix Nobel de physique 2007 et chercheur au même laboratoire. L’idée de Julie Grollier a été d’utiliser la puissance de la spintronique pour créer des neurones et des synapses artificiels, inspirés du cerveau. Financés par une première bourse européen ERC, ces travaux (réalisés en collaboration avec l’équipe de Damien Querlioz, chercheur CNRS au Centre de nanosciences et de nanotechnologies – C2N, CNRS/Univ. Paris-Saclay) déboucheront en 2017 sur le premier neurone artificiel « nanoscopique » capable de reconnaître des chiffres entre 0 et 9 prononcés par différentes personnes !
Depuis ces résultats, Julie Grollier envisage d’assembler un grand nombre de ces neurones artificiels pour concurrencer les méthodes algorithmiques utilisées classiquement en IA. C’est ce que va permettre le projet Grenadyn, un projet interdisciplinaire aux frontières entre la physique, l'électronique et l'IA.
Avec ses milliards de neurones interconnectés avec des milliards de synapses, le cerveau humain est un système complexe dynamique et reconfigurable qui fascine les physiciens. Le cerveau humain peut aussi apprendre de l'expérience. Et comparé aux systèmes informatiques qui fonctionnent avec des milliards de composants irréprochables, il est composé d'énormes quantités de composants bruyants, très variables et sujets à dégradation. Cela ne l’empêche pas de réaliser des tâches extrêmement complexes avec une précision étonnante et des besoins en énergie ultra-faibles. C'est la source d'inspiration du projet Grenadyn. Il visera à démontrer que des assemblages de nanodispositifs imparfaits et dynamiques peuvent apprendre par eux-mêmes grâce à des principes physiques, comme le font les neurones biologiques et les synapses, avec des performances comparables aux meilleurs algorithmes d'intelligence artificielle (IA).
Enfin l’immense succès de l'intelligence artificielle (IA) est associé à une consommation d'énergie considérable : plus de 1000 kWh pour entraîner un seul réseau sur un supercalculateur, c’est-à-dire l'énergie consommée par un cerveau humain pour mener l'ensemble de ses activités sur six ans. Concevoir des puces contenant des milliards de synapses et neurones artificiels nanoscopiques, densément interconnectés, et qui puissent apprendre par eux-mêmes, offrirait une solution beaucoup moins consommatrice d’énergie. C’est l’objectif du projet de Julie Grollier que de jeter les bases d’une telle puce à réseau profond contenant des milliards de nano-synapses et de nano-neurones, et ayant une capacité d'auto-apprentissage ultra-précise.
Contact :
Julie Grollier, directrice de recherche CNRS à l'UMPhy