Des nanocristaux pour imager le transport de vésicules dans les neurones
La recherche en neurosciences est souvent confrontée à des difficultés pour observer le détail du fonctionnement in vivo des neurones. Des scientifiques du Laboratoire lumière-matière et interfaces, de l’unité Infectiologie expérimentale des rongeurs et des poissons, de l’Institut de la vision, de l’Institut flamand de biotechnologies et du Laboratoire de physique de la matière condensée ont imagé le transport de vésicules dans les axones de neurones du système nerveux central de poissons-zèbres vivants. Ces travaux reposent sur des nanocristaux qui renvoient un signal lumineux stable, sous l’effet d’une excitation laser qui n’abîme pas les tissus.
Les neurones développent de longues branches, les axones et dendrites, pour établir des réseaux. Des macromolécules circulent ainsi entre le corps cellulaire et la périphérie, où se trouvent les synapses. On parle alors, pour l’axone, de transport axonal. Ce phénomène, essentiel au développement neuronal et à la signalisation intra- et extracellulaire, reste cependant difficile à étudier, notamment par manque de méthodes d’imagerie capables de l’explorer. Des chercheurs et chercheuses du Laboratoire lumière-matière et interfaces (LuMIn - CNRS/ENS Paris-Saclay/Université Paris-Saclay/CentraleSupélec), de l’unité Infectiologie expérimentale des rongeurs et des poissons (IERP - INRAE/Université Paris-Saclay), de l’Institut de la vision (CNRS/INSERM/Sorbonne Université), de l’Institut flamand de biotechnologies (VIB, Belgique) et du Laboratoire de physique de la matière condensée (LPMC - CNRS/École polytechnique) sont parvenus à imager, in vivo, le transport axonal dans le cerveau de larves de poisson-zèbre. Ils ont pour cela suivi des nanocristaux en microscopie optique non linéaire à haute résolution spatiotemporelle.
Avec son développement rapide, sa transparence naturelle quand il est au stade larvaire et une ingénierie génétique très développée, le poisson-zèbre est un animal modèle très prisé pour les études biomédicales. Les scientifiques se sont intéressés ici au transport axonal de compartiments endo-lysosomaux. Les endosomes se forment à la membrane cellulaire. Ils incorporent, trient et transportent des biomolécules, que les lysosomes digèrent ensuite. Pour marquer ces compartiments, des nanocristaux de titanyl phosphate de potassium (KTP) ont été injectés dans le cerveau des larves, où les neurones les intègrent dans les endosomes. Le KTP, utilisé dans certains lasers, a une grande efficacité de génération de second harmonique (SHG), transformant dans le domaine spectral visible une excitation laser impulsionnelle proche infrarouge (IR). Contrairement aux marqueurs fluorescents, plus souvent employés en biophotonique, la SHG ne sature pas et ne faiblit pas avec le temps. L’excitation IR étant peu absorbée, elle ne chauffe pas les tissus, qui ne sont ainsi pas dégradés même s’il faut intensifier le laser d’excitation afin que le signal de SHG soit mieux détecté. Publiés dans ACS Nano, ces travaux introduisent une méthode qui peut être utilisée pour détecter des anomalies du transport axonal à un stade précoce de maladies neurodégénératives.
Références
In Vivo Fast Nonlinear Microscopy Reveals Impairment of Fast Axonal Transport Induced by Molecular Motor Imbalances in the Brain of Zebrafish Larvae.
Baptiste Grimaud, Maxence Frétaud, Feriel Terras, Antoine Bénassy, Karine Duroure, Valérie Bercier, Gaëlle Trippé-Allard, Rabei Mohammedi, Thierry Gacoin, Filippo Del Bene, François Marquier, Christelle Langevin, and François Treussart.
ACS Nano 2022, 16, 12, 20470–20487.
https://doi.org/10.1021/acsnano.2c06799
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